Naples Le Purgatoire de Nathalie de Saint Phalle

Le Purgatoire : un endroit exceptionnel à Naples

Moi qui aime les lieux avec ce que j’appelle « un supplément d’âme », je ne pouvais pas passer à côté d’un endroit extraordinaire à Naples, baptisé « Le Purgatoire », dont le simple nom évoque les âmes des morts qui terminent d’expier leurs fautes et dont l’adresse se refile sous le manteau par les initiés depuis des années (vous ne la verrez ni dans les guides, ni sur Tripadvisor, trust me).

Je crois beaucoup aux hasards de la vie. J’avais lu quelque chose dessus il y a longtemps, mais impossible de retrouver le nom. Or, la veille de mon départ à Naples, une amie me parle du joli blog Ma Récréation, tenu par une journaliste qui rentrait justement de Naples et la côte amalfitaine. Je me suis empressée d’aller le zieuter pour obtenir quelques infos… et là, bingo, le seul article qu’elle avait alors posté concernait Le Purgatoire !

Une princesse dans son donjon ?

J’ai immédiatement contacté par email la propriétaire en lui demandant si elle accepterait de me rencontrer à l’improviste dans les jours qui suivaient. Nathalie de Saint Phalle m’a très gentiment répondu le lendemain en me proposant de passer la voir chez elle, dans le magnifique Palazzo Spinelli de la Via dei Tribulani, au centre historique de Naples. Pénétrer dans ce palais construit au XVème siècle et rénové au XVIIIème siècle est déjà magique en tant que tel, avec sa cour arrondie où l’on a envie de se décrocher le cou à force de regarder les statues qui semblent d’en haut en défendre l’entrée.

Parvenue au dernier étage d’un bel escalier blanc tortueux, j’aperçois Nathalie au seuil de son appartement. Jolie princesse aux pieds nus (ici point de comtesse, n’en déplaise à Ava Gardner, on est dans un palais que diantre !!!) et en jean, elle paraît toute fluette dans l’encadrure de son immense porte.
Cette impression est rapidement contrecarrée par une ferme poignée de main comme je les aime et un débit de parole très assuré. Je pénètre dans son gigantesque salon au sol recouvert de tapis colorés et aux murs ornés de tableaux de toutes tailles, avant de me poser avec elle sur sa magnifique terrasse fleurie pour l’écouter avec délectation me raconter une (infime) partie de sa vie bien remplie.

Libre et atypique sont probablement les deux mots qui me sont venus spontanément à l’esprit à l’issue des deux heures que nous avons passées ensemble. Cette femme a eu mille vies déjà. Certains la trouveront peut-être agaçante, en ce qui me concerne je l’ai trouvé simplement passionnante et attachante. Une sorte de princesse des temps modernes qui construit sa vie comme un conte de fée et vit aujourd’hui en partie retirée sur sa terrasse (un ancien donjon d’ailleurs). Lorsqu’elle déroule sa longue chevelure blonde avant de la replacer en chignon à l’aide d’un peigne doré qui pourrait faire penser à une petite couronne, on ne peut évidemment que songer à Rapunzel des contes de Grimm (aka Raiponce, pour les béotiens qui ne connaîtraient le conte que grâce à notre ami Disney).

De l’archéologie égyptienne à la Via del Nilo (la rue du Nil)

Je ne lui ai pas fait raconter sa généalogie – que j’avais lue avant de la rencontrer, notamment dans ce très beau portrait de Libération – mais je vais tout de même en faire un bref résumé pour planter le décor.
Fille du banquier, poète et artiste Bernard Heidsieck (je suis d’ailleurs tombée amoureuse d’une de ses œuvres grand format dans l’immense chambre principale du Purgatoire) et de l’artiste Françoise Janicot, Nathalie Heidsieck de Saint Phalle n’a certainement pas vécu une enfance comme vous et moi, grandissant entourée d’artistes de la beat generation.

Mariée très jeune à Philippe de Saint Phalle (neveu de Niki), elle fait des études d’archéologie égyptienne très poussées, qu’elle interrompt six mois avant de rendre sa thèse. D’esprit nomade et aventureux, elle voyage beaucoup, notamment au Yémen et en Iran. C’est ainsi qu’elle embrasse la carrière de journaliste pour le magazine Actuel, après avoir témoigné de SA réalité du Yémen pour une radio française, lorsqu’elle était sur place. Comme elle le dit très justement, les journalistes avaient encore à l’époque la possibilité de prendre le temps pour faire du journalisme d’investigation, en enquêtant pendant des mois sur un sujet.

C’est d’ailleurs un travail de longue haleine sur la guerre en ex-Yougoslavie qui la mène à Naples en 1994, où elle trouve un imprimeur moins onéreux qu’en France pour publier son livre (très illustré) sur le conflit. Pour diverses raisons, elle doit rester à Naples plus longtemps que prévu. C’est l’époque où la ville commence à s’ouvrir au tourisme et en premier lieu aux artistes. Ce qu’elle raconte de Naples à cette époque est stupéfiant, j’espère que vous aurez l’occasion de l’entendre.

On lui propose alors de louer l’immense appartement dans lequel je la rencontre, en haut du Palais Spinelli, face à l’église del Purgatorio et à l’angle de la Via Nilo (nous voilà revenus au Nil et à l’Egypte, la boucle est bouclée). Quitte à rester « coincée » à Naples, autant habiter dans un bel endroit, même si le loyer est bien au-dessus de ses moyens ! Elle imagine alors une sorte de bail communautaire pour ses amis parisiens qui occupent ponctuellement ce vaste appartement et contribuent à le décorer peu à peu.

Quelques photos prises dans l’appartement de Nathalie (à ne pas confondre avec Le Purgatoire, quelques étages plus bas dans le Palais Spinelli) :

Le Purgatoire : un lieu doté d’un supplément d’âme(s)

De fil en aiguille, elle ouvre plusieurs lieux pour héberger les hôtes de passage, toujours plus nombreux à Naples. « Le Purgatoire » (n°1) et « Les Limbes » voient le jour à la fin des années 90 dans le Palais Marigliano. Gardant l’esprit communautaire de son propre appartement, elle en fait un lieu associatif, construit à contre-courant sur les valeurs que sont la confiance, l’engagement et la responsabilité. Pour y séjourner, il faut préalablement devenir membre de l’association Locus Solus.

A son image, Nathalie imagine Le Purgatoire comme un endroit d’exception et non comme un simple hôtel ou auberge. Il s’agit de l’appartement de Robert Kaplan, un ami imaginaire voyageur et collectionneur toujours absent, qui laisse sa chambre imposante aux invités de passage. Une seule règle en vigueur : chaque visiteur doit laisser une trace de soi sous la forme d’un livre ou d’une œuvre d’art en dépôt. Et décrire dans un manuscrit à disposition les circonstances de sa première rencontre avec ce personnage fictif.

Biblothèque-labyrinthe improvisée avec les livres déposés par les invités au fil du temps

Jusqu’au milieu des années 2000, tout se passe bien : deux mille personnes environ l’appellent chaque année, cinq cents au moins ont la chance d’y séjourner tous les ans. Elle signe un autre bail de douze ans dans le Palais Spinelli, où elle a son appartement, pour ouvrir sa galerie d’art quelques étages plus bas. C’est dans cet espace extraordinaire qu’elle a aujourd’hui ouvert Le Purgatoire (n°2), après la fermeture du Purgatoire (n°1) à la fin du bail en 2011.

En effet, dans la seconde partie des années 2000, le tourisme à Naples s’écroule. Entre campagnes de presse désastreuses sur le problème des ordures et révélations à n’en plus finir sur la mafia napolitaine, les réservations chutent brusquement et Nathalie croule sous ses loyers extravagants.

Le lieu a donc changé, mais l’esprit est passé d’une maison à l’autre avec tout son contenu, toujours dans un décor d’exception. Nathalie a eu l’immense gentillesse de m’ouvrir les portes de ce lieu hors-normes, alors même que je n’y avais pas résidé. Et je l’en remercie, car je n’en suis toujours pas revenue. Aucun hôtel au monde ne pourra vous offrir une telle expérience.

La grande chambre de Kaplan est somptueuse, avec des proportions et une hauteur sous plafond impressionnantes, ainsi qu’un extraordinaire écran géant hérité des allemands et de la seconde guerre mondiale qu’on peut installer pour se projeter la collection des films tournés dans la ville. Elle dispose d’une vraie salle de bain, d’une ébauche de cuisine permettant de se préparer un petit déjeuner et d’un accès direct par un escalier secondaire.

La seconde chambre est beaucoup plus petite. Elle a accès à la cuisine mais une salle de bain simple, avec juste une douche. On y entre directement par un escalier monumental absolument somptueux, qui a lui seul vaut le déplacement. Elle n’a pas d’autre fenêtre que la porte s’ouvrant sur le gigantesque salon.

C’est justement ce salon qui est probablement le plus grandiose, avec une hauteur sous plafond de huit mètres et des œuvres d’art, livres et bibelots accumulés absolument partout. Il y a des tonnes de coins et recoins pour se lover, observer ou déguster son café. Au centre du salon, une sorte de bibliothèque-labyrinthe improvisée a vu le jour, composée de piles de livres accumulés au gré des visites.

Une fois dans les lieux, l’appartement vous appartient et vous en faites ce que vous voulez, à ceci près que vous le partagerez avec les occupants de l’autre chambre, s’il y en a. En revanche, s’il n’y a pas d’autres occupants, l’appartement est à vous. Autant dire que dans ce bric à brac fabuleux et vu sa taille, il y a de quoi passer des heures à compulser les livres et admirer tous les tableaux et objets amassés au fil du temps. Et pourquoi pas s’imaginer en princesse.

Pour conclure ce billet, je ne peux vous dire qu’une chose : dépêchez-vous d’y aller !!! Le bail se termine dans trois ans et il n’est pas du tout sûr que Nathalie signe de nouveau pour douze ans. L’expérience, avec les défauts et qualités du lieu, vaut son pesant de moutarde, croyez-moi.

Il y a bien un moment où il faut quitter les lieux malheureusement… mais par le grand escalier s’il vous plaît !

Infos pratiques :

Pour résider au Purgatoire :

  • Contacter nhsp@aol.com. Ne pas hésiter à dire que vous venez de ma part.
  • Devenir membre de l’association Locus Solus lorsqu’on vient pour la première fois, moyennant la somme de 77€ (l’équivalent de 500F de l’époque) par chambre (et non par personne).
  • La grande chambre de Kaplan coûte 175€ la nuit. Plus bruyante mais somptueuse. La plus petite chambre coûte 125€. Pas lumineuse, mais silencieuse. A vous de choisir, mais pour moi le choix est vite fait !
  • L’hiver (de décembre à mars), le salon de 8 mètres de haut ne peut être chauffé que si l’on ajoute 25€.

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Raphaelle Gasse (aka WanderfullRaph)

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5 réponses

    1. Il faudra surtout que j’y séjourne pour avoir l’occasion d’aller percer ces mystères … mais le lieu est aussi fascinant que le personnage.

  1. Merci de nous faire découvrir ce lieu inspirant et mystérieux! J’y envoie mes parents qui rêvaient justement de découvrir Naples et ses environs !

    1. Merciiii Agnès ! Guette les prochains articles sur Procida, Naples et la côté Amalfitaine. Si tes parents y vont bientôt, il faut absolument prévoir une escale à Procida, c’est une merveille et je mettrai plein d’adresses.

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